Certains avancent à grands pas dans des territoires qu’ils ne connaissent pas, persuadés de détenir la vérité sur tout. Ce comportement, loin d’être anodin, porte un nom précis et a fait l’objet de nombreuses analyses en psychologie cognitive.
Les effets de ce phénomène traversent bien plus que les conversations de fin de repas : ils façonnent les débats publics, gênent l’apprentissage et renforcent la désinformation. Des concepts comme l’ultracrépidarianisme ou l’effet Dunning-Kruger permettent de mieux comprendre ce mécanisme et ses répercussions sur la société.
Pourquoi certaines personnes semblent tout savoir : comprendre l’ultracrépidarianisme
L’ultracrépidarianisme, c’est cette habitude tenace de se prononcer avec assurance sur des sujets que l’on ne maîtrise pas. Le mot, hérité d’une anecdote latine, s’applique à tous ces arbitres autoproclamés qui, sans la moindre expertise, tranchent sur tout et prétendent tout expliquer. Ce biais cognitif se manifeste partout : dans les échanges sur les réseaux, lors de disputes familiales, ou même dans les médias, où l’argument d’autorité se transforme parfois en vérité absolue.
Impossible d’y échapper : l’ultracrépidarianisme s’infiltre dans tous les milieux. Certains vulgarisateurs s’y laissent prendre, mais aussi des scientifiques reconnus, frappés par ce qu’on nomme la maladie de Nobel, ce penchant qu’ont certains lauréats à s’exprimer hors de leur domaine, parfois à tort. La surconfiance touche à la fois les experts autoproclamés et les figures légitimes, et l’on assiste alors à des débats houleux sur des thèmes comme le climat, la vaccination ou l’économie. Les climatosceptiques se servent habilement de cette brèche, créant de la confusion et remettant en cause le consensus scientifique.
Ce n’est pas qu’une excentricité individuelle : l’ultracrépidarianisme s’enracine dans la psychologie sociale. Beaucoup surestiment leurs compétences, surtout lorsqu’ils disposent de peu de connaissances. Avec le relais des plateformes numériques, cette tendance explose, et les avis sans fondement se propagent à grande vitesse. Chercher un nom pour une personne qui pense tout savoir sans rien connaître, c’est donc soulever un enjeu collectif : comment distinguer l’expertise réelle de la simple opinion dans l’espace public ?
L’effet Dunning-Kruger : quand la confiance dépasse les compétences
Le phénomène Dunning-Kruger jette une lumière crue sur ce glissement où ceux qui manquent de connaissances se montrent les plus sûrs d’eux. À Cornell, les psychologues David Dunning et Justin Kruger ont mis ce schéma en évidence, en s’appuyant sur une histoire édifiante : McArthur Wheeler, braqueur persuadé d’échapper aux caméras grâce à du jus de citron sur le visage. Derrière l’anecdote, une réalité : moins on connaît un sujet, plus on se croit compétent.
Ce biais cognitif traverse toutes les couches sociales. Beaucoup s’appuient sur une auto-évaluation défaillante pour défendre des opinions tranchées, là où l’expert doute, nuance, interroge. Charles Darwin l’avait déjà pressenti : « L’ignorance engendre plus fréquemment la confiance que la connaissance ». Résultat : la compétence perçue grimpe en flèche, tandis que la compétence réelle reste en retrait. C’est le cœur même de l’effet Dunning-Kruger.
Voici quelques manifestations concrètes de ce déséquilibre :
- La surconfiance pousse à répandre des opinions non vérifiées sur les réseaux sociaux.
- À l’inverse, le syndrome de l’imposteur touche souvent ceux qui, compétents, doutent de leur propre légitimité.
- Des outils comme le feedback et la formation aident à rapprocher la perception de la réalité.
La psychologie sociale analyse ce mécanisme où la compétence réelle peine à suivre la compétence perçue. L’effet Dunning-Kruger s’impose alors dès qu’il s’agit d’identifier le nom pour une personne qui pense tout savoir sans rien connaître, dévoilant une mécanique bien rodée où l’assurance n’a rien à voir avec le savoir.
Se questionner sur l’expertise et cultiver l’humilité intellectuelle au quotidien
Remettre en cause ses propres certitudes n’a rien d’aisé, mais c’est un exercice salutaire. Face à la tentation de la surconfiance, s’appuyer sur le consensus scientifique et confronter ses points de vue à d’autres s’avère particulièrement utile. Le raisonnement logique ne s’aiguise qu’à l’épreuve de la contradiction, du dialogue, du débat argumenté avec des pairs ou des spécialistes. Refuser l’étiquette de l’ultracrépidarianisme impose de choisir cette exigence.
L’humilité intellectuelle ne se décrète pas d’un claquement de doigts. Elle s’apprend, pas à pas, en admettant ses limites, en repérant ses angles morts et en acceptant le doute. Les psychologues remarquent que cette posture favorise l’adaptation dans des situations complexes, aide à changer d’avis et stimule la progression personnelle. S’interroger sur la légitimité de ses interventions, éviter l’argument d’autorité systématique, différencier ce que l’on sait vraiment du consensus reconnu : voilà quelques réflexes à cultiver.
Pour mieux ancrer ces pratiques, voici trois axes à explorer :
- Demandez du feedback auprès de spécialistes ou de vulgarisateurs fiables.
- Misez sur la formation continue pour affiner votre analyse et votre esprit critique.
- Consultez des sources variées pour réduire l’impact des biais de confirmation.
Rester vigilant face à la tentation de tout expliquer ou commenter, c’est accepter l’incertitude comme moteur d’apprentissage. L’expertise ne s’acquiert jamais une fois pour toutes : elle se façonne, se réinvente, se remet chaque jour à l’épreuve.